20 oct. 2018

JOHNNY HALLYDAY : Mon pays c'est l'amour

Cancer de louanges, couette médiatique et vaseline auditive, vraiment, serais-je le seul sur cette terre à ne pas (trop, soyons clément et surtout sincère) aimer le nouvel album de Johnny Hallyday (malgré le feuilleton familial pire que Dallas habilement orchestré depuis plusieurs semaines et quasi insoutenable reconnaissons-le...), produit par Yodelice (plus yaourt light il n'existe pas) sanctifié par Warner et crucifié par ses proches... Posthume ou pas  que vaut vraiment cette collection de dix chansons tellement attendues (plus un interlude musical) sous une cover malheureusement bradée / baclée (sessions photos datant de l'album L'Attente de 2012) et que l'on aurait espéré plus inspirée.
 
Aux cris d'orfraie à venir je n'en ai cure. Seule la musique compte. Et selon le postulat de Nietzsche, sans elle...
 
So, Face 1

Premier émoi, fébrilité.
 
 "J'en parlerai au diable" sent le soufre et chacun scrutera scrupuleusement chaque ligne, à la recherche de l'indice ultime qui fait de nous et le témoin et le complice de cette vie extraordinaire que s'est créé le belge trop americain pour la France et trop baguette pour les rednecks.
Gros son grosse voix emotions à fleur de peau ce qui pourrait être un inédit du véritable dernier chef d'oeuvre du Taulier de Sang Pour Sang de 1999 composé par David Hallyday laisse presager du meilleur. Evidemment introspectif et humain comme on veut l'entendre, Johnny pour le coup ne déçoit pas. On s'en pourlêche les babines.
 
 Jusqu' à la deuxième qui donne son nom à l'album (titre qui lui aussi aurait merité plus de séances de brainstorming appliquées ).
"Mon pays c'est l'amour" recycle un vieux rock grabataire (en son temps "Mon P'tit Loup" avec les Stay Cats avaient grandement relevé le défi de viagrarisé un rock français quelque peu niais) mais lorsque tes guitares sonnent moins tranchantes que sur le dernier album de Dany Brillant tu es en droit de te poser des questions. On imaginait plus de tripes. Plus de malt. Mais las, c'est du sirop. Vous avez dit Pastis Rock ?
 
"Made in rock 'n Roll" , petarade et c'est un scooter penaud bien loin des Harley adorées, une purge, inutile et pataude avec ce piano aux touches d'ivoire maltraitées (pas de psychopathe tel Lee Lewis pour les sublimer malheureusement...) . Incompréhensible et surtout indigne que l'on puisse ainsi s'essuyer les pieds sur un tel paillasson musical (ou madeleine pour les plus gourmands et lettrés) qui a vu defiler depuis l'aube des temps  (c'est à dire les fifties) les plus prestigieux artistes (mince, dans le genial Blues Brothers, dans son appart Elwood joue ce morceau, c'est pas rien quand même...). Bref, l'eternelle histoire des versions françaises annihilant toutes substances intrasèques des oeuvres originales.  Soixante ans que cela dure. Coup d'épée dans l'eau.
 
À l'instar du premier morceau d'ouverture de l'album, "Pardonne-moi" rempli lui le même cahier des charges avec justesse, brio et facilité. Joie ! Et c'est là que l'on commence à vraiment  (Ô Rage Ô Desespoir ...) regretter le manque de droit de regard et de direction musicale du fils-roi David. Ecarté voire ecartelé. La magic Touch qui pour sûr aurait fait la difference. Yodelice, une fois encore choix des moins judicieux pour l'oeuvre en question qui souffre d'un manque d'une réelle profondeur,  epaisseur, intensité. Fade arrivé à mi -parcours. Comme un burrito froid. Ou des frites sans sel, c'est selon. L'instrumental obsolête suivant n'apporte rien à la litanie. Comme un cheveux sur la soupe amère (et à la grimace). Vite face deux.

What Else, Face 2

On retient son souffle.
 
"4m2" renvoie aux classiques claustrophobes, aux phantasmes grillagés tels Le Penitencier ou encore Mirador, avec pour le peu d'interêt réel qu'il suscite offre quand même de belles envolées soul cuivrées mais bien trop timorées. Dans le temps dans le ton ce morceau aurait pu s'echapper du "Plein Soleil" de l'Autre Géant, Dick Rivers. Pas totalement à jeter donc.
 
"Back In L.A." sous des paroles élémentaires de Moissec qu'on a vu tituber plus glorieusement, voit l'ennui s'installer et on commence à trouver le temps long. Choeurs hors sujet et anorexiques (n'est pas la Wilson Family qui veut) on se rend vite compte qu'il ne se passe strictement rien. Quand les Horns de Memphis sonnent comme Jericho. "L'Amerique de Williams" ne relêvera en rien la sauce. Fac-similé et rechauffé. On blêmi. Indigeste. Inaudible. Pire : Inutile.

A ce moment précis un Bourbon car sinon...
 
Enfin des peaux de la rythmique un soupçon de vie. " Un Enfant du Siècle" ravive enfin la flamme (de la bougie) et l'on regrette pour le coup d'avoir autant attendu cette energie ce feu sauvage ce tube en puissance. Tout y est prenant. C'est du grand Johnny, celui qu'on connait si bien. Et là encore, chacun y lira sa vérité.  Comme un phare dans un (ce) champs de ruines. Comme Icare trop près, comme le Phoenix. Bouffée d'oxygêne régénératrice.  Imparable.
 
"Tomber Encore" ecrit par Boris Lanneau un fan qui vit son rêve  (nombreux nous serons ici jaloux) tient lui aussi de la petite pépite, de ces chansons dont on tombe instantanément amoureux. Une évidence. Tout y est limpide, et Johnny retrouve les meilleures intonations et intentions que l'on a pu apprecier jadis sous l'Etoile du Berger.
 
Et cela continue avec "Je ne suis qu'un homme", magnifique contemplation de ce qu'est l´Etre, au plus profond de son âme et de son coeur, du corps aussi, et de toutes les rayures brisures fêlures qui façonnent le Chêne. Rêvé Adagio dans la forme et Requiem dans le fond, quelle meilleure façon que cette magnifique chanson d'une clarté sépulcrale pour conclure un album attendu comme elixir de jeunesse ou Graal par plusieurs générations (plus vraiment objectives et en cela c'en est assez touchant) et qui malgré des imperfections et maladresses notoires dans certaines compositions et une réalisation somme toute assez approximative (l'oeuvre meritait tellement mieux) sera de toutes façons plébiscité acclamé et vénéré.
 
N'en demeure pas moins un album inégal et quelque peu bancal avec un grand trou d'air en son milieu dû sans doute à de trop grandes précipitations contractuelles (pour le dire gentiment...) et qui aurait mérité sans doute d'un peu plus de concentré de Johnny, de sa fougue legendaire de son essence de son fuel (mais au regard des tristes et émouvantes conditions qui l'ont vu naitre nous pouvons comprendre...) ou simplement de vraies compositions plus abouties et volontaires,  non édulcorées, juste carrées nerveuses avec une prod' davantage americano- anglo-saxonne qui fait ici cruellement défaut (une fois encore...). Et vous pouvez mettre dans la potée tous les mots pretentieux du vocabulaire des commentateurs autorisés (et adoubés par qui vous savez) comme des mantras passe-partout et totalement dévitalisés de leur moelle (dans notre contexte) à savoir Country, Rock 'n Roll ou Blues, on demeure quand même bien loin des champs de coton de Cash ou du diable embrassant Robert Johnson. Loin de Mon Amerique à Moi. Si loin...

Quoi qu'il en soit, un seul astre une seule vérité brille ici et pour l'eternité de mille feux : la Voix. Cette voix incroyablement puissante et gorgée d'âme, cette voix comme baton de pelerin qui a guidé  nos pas depuis tant d'années et qui restera plus vivante que jamais, et à jamais gravée dans la roche, au plus profond de nos coeurs.
 Et cela ne peut appeler aucun jugement.



Si ce n 'est : Tu as fais le boulot, Johnny.
Et pour ça, Merci.

Go!, Johnny Go !


 
 
MEL DELACROIX